La Dre Mona Loutfy, chercheure clinicienne, allie la compassion dans les soins individuels et les essais cliniques à l’échelle nationale pour améliorer la vie des femmes vivant avec le VIH.
Octobre 2017, un lundi matin : la Dre Mona Loutfy accueille une patiente avec un large sourire et une accolade dans son bureau de la clinique médicale Maple Leaf du centre‑ville de Toronto.
Après tout, elles se voient depuis 18 ans. La dame était la première patiente séropositive au VIH de la Dre Loutfy, l’une des douzaines de patientes qu’elle a traitées depuis plus d’une décennie.
« J’aime voir mes patientes », de dire la Dre Loutfy, lauréate du Prix 2017 d’excellence en recherche en sciences cliniques ACRV-CANFAR. « Le VIH est une maladie souvent stigmatisée et c’est pourquoi, lorsqu’une patiente vient me voir dans mon bureau et qu’elle a confiance en moi, elle peut être elle-même. Cette relation prend un caractère bien spécial. »
À cette chaleur individuelle et à ce souci, la Dre Loutfy allie les études cliniques afin de créer un programme d’envergure mondiale de recherche clinique et de soins fondés sur les données probantes pour les enjeux des femmes atteintes du VIH, notamment la santé sexuelle et génésique.
« J’ai toujours été une personne qui pose des questions », de dire la Dre Loutfy, fondatrice du programme de recherche sur les femmes et le VIH à l’Hôpital Women’s College. « C’est enrichissant de voir quels sont les enjeux en première ligne et ensuite, de pouvoir poser les questions qui sont restées sans réponse et concevoir l’étude pour y répondre et faire la différence dans la vie de nos patients. »
La Dre Loutfy a commencé sa formation médicale au plus fort de l’épidémie de VIH et une bonne partie de son apprentissage s’est déroulé à l’Hôpital Wellesley de Toronto, au cœur du village gai.
« J’ai vu des salles remplies d’hommes gais et autres personnes mourant du sida », se souvient‑elle.
Émue par cette expérience et inspirée par le travail de la Dre Sharon Wamsley de l’Université de Toronto, la Dre Loutfy a suivi une formation de chercheure en essais cliniques et en 2005, s’est concentrée sur les femmes vivant avec le VIH.
« Les personnes vivant avec le VIH voulaient avoir des enfants et n’avaient aucun soutien », dit-elle.
La Dre Loutfy a commencé un programme de recherche, d’études cliniques et de sensibilisation qui a transformé le paradigme des soins et de la réflexion clinique, faisant en sorte que les personnes vivant avec le VIH pouvaient devenir parents.
« Si une femme suit une thérapie antirétrovirale au VIH avant d’être enceinte, le risque que le bébé soit infecté est nul. C’est étonnant! » de dire la Dre Loutfy qui, depuis 2009, a piloté la préparation des Lignes directrices canadiennes en matière de planification de la grossesse en présence du VIH, publiées en 2012 et à nouveau à l’automne 2017, en version mise à jour.
Actuellement, les recherches de la Dre Loutfy s’étendent à la direction de l’Étude sur la santé sexuelle et reproductive des femmes vivant avec le VIH au Canada (CHIWOS). Cette étude consigne les expériences de plus de 1 400 femmes vivant avec le VIH en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique, en Saskatchewan et au Manitoba.
L’étude permanente a déjà permis de constater qu’environ neuf participantes sur 10 prennent des médicaments antirétroviraux qui suppriment efficacement la charge virale du VIH à des niveaux presque indétectables. Pourtant, nombre de ces femmes souffrent d’une vaste gamme de problèmes sociaux, de la pauvreté aux violences graves.
« Nous avons là une dichotomie : on s’est chargé du VIH, mais d’un point de vue social, nous les laissons peut-être tomber », dit-elle.
Ce croisement complexe entre les politiques et les enjeux sociaux, de santé publique et médicaux affecte les soins des femmes vivant avec le VIH et a attiré la Dre Loutfy à élargir sa pratique clinique à la Saskatchewan.
Elle visite deux collectivités des Premières Nations quatre fois par an pour voir ses patientes et travailler avec les collectivités pour contrer l’« épidémie de VIH » à laquelle elles font face et qui est profondément enracinée dans le traumatisme historique et dans les problèmes de toxicomanie connexes.
Après avoir vu des patientes pendant toute la matinée à la clinique médicale Maple Leaf, la Dre Loutfy parcourt à pied plusieurs quadrilatères pour se rendre à son bureau de l’Hôpital Women’s College, où elle aura à abattre une forte charge de recherche et d’éducation, des conseils aux étudiants diplômés jusqu’aux rencontres en groupe en laboratoire, sans oublier les téléconférences de la CHIWOS.
C’est un rythme effréné qui, à ses dires, a nourri une autre passion : mentorer une nouvelle génération de chercheurs et de cliniciens du VIH.
« J’ai beaucoup d’étudiants et d’étudiantes et j’entre en contact avec beaucoup de jeunes qui ont cette énergie et ce goût de faire du monde un endroit meilleur et, avec mes patientes, ces jeunes m’inspirent vraiment et me donnent mon énergie. »
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Chaque année, les prix d’excellence en recherche ACRV – CANFAR sont attribués pour souligner la contribution de chercheurs canadiens dans le domaine de la recherche sur le VIH/sida. La Dre Loutfy a obtenu le prix lors du Congrès de l’ACRV 2017, à titre de « chef de file visionnaire, distinguée et reconnue internationalement et nationalement dans le domaine de la recherche clinique sur le VIH ».