Un chercheur canadien de premier plan sur le VIH fait de la sociologie un puissant instrument de changement positif dans les réponses des systèmes canadiens de droit et de santé à l’égard du VIH/sida
En 1990, au plus fort de la crise du VIH/sida, Eric Mykhalovskiy, 27 ans, a été recruté comme première ressource rémunérée de l’organisme torontois AIDS ACTION NOW!
Eric Mykhalovskiy, sociologue de l’Université York et lauréat du Prix ACRV-CANFAR 2017 d’excellence en recherche en sciences sociales se souvient : « Je suis entré dans un bureau vide de la rue College, où il y avait une simple note qui disait « Voici les clés, arrangez-vous pour que tout fonctionne, et vite ».
« Nous essayions de susciter un échange de connaissances sur les questions de traitement à une époque où il n’y avait pas vraiment de traitement efficace et où nombre de médecins considéraient l’infection au VIH comme une sentence de mort. »
Tandis qu’il travaillait d’arrache-pied à produire des bulletins d’information, Mykhalovskiy s’est rendu compte que le véritable défi, ce n’était pas de réunir des faits, car la plus grande difficulté pour les personnes atteintes du VIH/sida était le contexte social, institutionnel et politique global et ses répercussions sur leur capacité de naviguer dans le système des soins de santé.
C’est à cette époque qu’il a lu « Political Activist as Ethnographer » et qu’il a eu une idée de la puissance de la recherche comme outil de changements sociaux positifs.
« Cela a complètement transformé ma compréhension de ce que la sociologie pouvait faire, » de dire Mykhalovskiy à propos de la lecture de cet article porteur de George Smith, sociologue à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario (OISE) et activiste gai de premier plan de AIDS ACTION NOW!
Avec Smith comme mentor et co-auteur, Mykhalovskiy s’est attelé à la recherche et a rédigé son premier rapport en 1994 : Getting ‘hooked up’: A report on barriers people living with HIV/AIDS face accessing social services.
Poursuivant son PhD à York, il s’est servi des nouveaux outils de l’ethnographie institutionnelle, mis de l’avant par des pionniers et chercheurs de l’OISE, y compris Smith et Dorothy Smith (aucun lien de parenté), comme moyen d’analyser la façon dont la vie des gens est façonnée par les structures et fonctions institutionnelles.
Mykhalovskiy a créé le terme « travail pour la santé », processus où la personne navigue dans le système des soins de santé et, dans une série d’articles et de rapports, il a documenté les difficultés des personnes vivant avec le VIH/sida lorsqu’elles veulent avoir accès aux antirétroviraux salvateurs.
« Nous avons fait ressortir que la façon dont les gens parviennent à obtenir des traitements est un processus compliqué, particulièrement compte tenu des différences de classes sociales, qui créent des obstacles à l’accès, et nous avons souligné le rôle que jouent les organisations communautaires, » de dire Mykhalovskiy, membre fondateur de l’Association for the Social Sciences and Humanities in HIV.
Son expérience en recherche a fait de lui un défenseur permanent des données probantes qualitatives.
« Les notions de preuve ou de données probantes prises en compte dans les contextes médicaux comme étant les plus significatives sont extrêmement étroites, » de dire Mykhalovskiy, rédacteur principal responsable de la recherche qualitative à La revue canadienne de santé publique. « La recherche qualitative vous permettra de comprendre la complexité de ce qui arrive dans la vraie vie. »
Actuellement, cette complicité, dit-il, trouve un exemple parfait dans le cas de la criminalisation de la non-divulgation de l’infection au VIH.
Il était l’auteur principal du premier rapport de recherche sur les options en matière de politique portant sur l’analyse de la criminalisation du VIH en Ontario et publié en 2010 sous le titre HIV non-disclosure and the criminal law: Establishing policy options for Ontario.
« Nos recherches nous ont fait découvrir que le droit pénal au Canada contribue à la stigmatisation à laquelle font face les personnes vivant avec le VIH, ce qui est contraire à une réponse au VIH dans un régine de santé publique. La loi inhibe la capacité des personnes vivant avec le VIH de discuter ouvertement de leur vie sexuelle avec les fournisseurs de soins de santé, » de dire Mykhalovskiy.
Actuellement, ses recherches et ses participations professionnelles multiples dans tout ce qui existe, des conseils d’administration aux événements, exercent une forte influence sur les points de vue politique, juridique et médiatique concernant le VIH aux échelons les plus élevés, notamment dans les séances d’information des ministres et dans les arrêts de la Cour suprême du Canada.
Pourtant, près de 30 ans après avoir franchi la porte des bureaux de la rue College pour entrer dans les locaux d’échange d’information sur le traitement de AIDS ACTION NOW!, Mykhalovskiy estime que ce qui le réconforte le plus profondément est de voir que ses recherches sociologiques ont l’impact dont il a toujours rêvé : équiper les personnes vivant avec le VIH des outils leur permettant d’instaurer des changements positifs dans leur vie.
« J’assiste à des réunions communautaires sur la question de la criminalisation de la non-divulgation de l’infection au VIH et les personnes utilisent nos recherches sans même se rendre compte qu’elles les utilisent », dit-il. « C’est très encourageant de voir que son travail a imprégné la façon dont les gens et les collectivités parlent du problème, le comprennent et y réfléchissent. »
-30-
Chaque année, les prix d’excellence en recherche ACRV – CANFAR sont attribués pour souligner la contribution de chercheurs canadiens dans le domaine de la recherche sur le VIH/sida. M. Mykhalovskiy a reçu son prix au Congrès de l’ACRV 2017 pour avoir « combiné les normes les plus élevées d’études critiques en sciences sociales sur le VIH avec un engagement indéfectible envers la justice sociale et la transformation sociale progressive. »