La directrice de l’Initiative sur le genre et la santé sexuelle de l’Université de la Colombie-Britannique a une passion, transformer la recherche communautaire en politique fondée sur les données probantes pour améliorer la vie des femmes vivant avec le VIH ou affectées par ce virus.
L’Est du centre-ville de Vancouver… des vies marquées par les drogues, la violence, la pauvreté et le VIH.
Mais, tout juste à côté d’un des principaux sites de ce secteur de la ville, le parc Oppenheimer, la Dre Kate Shannon a ouvert un bureau communautaire d’où elle et son équipe de chercheurs travaillent à aider les femmes marginalisées affectées par le VIH à mener une vie plus saine, plus sûre… et même à les aider à parler assez fort pour se faire entendre jusque sur la colline du Parlement et plus loin encore.
« Ce qui me passionne dans la recherche que je mène, c’est de pouvoir travailler avec les gens de la collectivité pour instaurer des changements positifs, » de dire la Dre Shannon, lauréate du Prix d’excellence en recherche 2017 ACVR-CANFAR en épidémiologie et santé publique.
Depuis qu’elle est devenue directrice de l’Initiative sur le genre et la santé sexuelle (GSHI) de l’Université de la Colombie-Britannique, la Dre Shannon a piloté une série dynamique de travaux de recherche communautaire afin de mieux comprendre les obstacles structurels et de santé sexuelle auxquels font face les femmes vivant avec le VIH ou affectées par le virus.
« Il est évident que la recherche sur le VIH recèle un énorme élément politique », de dire la Dre Shannon, qui a piloté la croissance de la GSHI, d’une poignée d’employés à son effectif actuel de plus de 50 chercheurs universitaires et communautaires, étudiants diplômés, enseignants et employés.
« Dans tous les travaux que j’ai menés avec les femmes marginalisées, que ce soit dans le contexte de la pauvreté, du travail du sexe, des toxicomanies ou encore chez les femmes vivant avec le VIH, j’ai observé un très grand nombre de déterminants structurels et sociaux à l’origine d’une multitude d’inégalités sociales et sanitaires. »
Dans le cadre d’un projet de recherche communautaire intitulé An Evaluation of Sex Workers’ Health Access ou AESHA (évaluation de l’accès des travailleurs du sexe au système de santé), la Dre Shannon et son équipe ont œuvré afin de documenter rigoureusement les conditions de travail et les contextes politiques dont l’effet est de placer certains travailleurs du sexe en position de vulnérabilité susceptible de déboucher sur une mauvaise santé, la violence et le VIH.
Ses recherches, qui l’ont amenée à intervenir sur le plan juridique et à agir à titre de témoin expert afin de guider la décision unanime de la Cour suprême dans l’arrêt Bedford c. Canada de 2013. Cette décision historique a invalidé les lois du travail qui criminalisaient antérieurement le travail du sexe.
« C’était une expérience marquante que de disposer de preuves qui ont pu susciter des changements dans la politique. La recherche du projet AESHA était fondée sur plus de 30 documents examinés par les pairs dont nous disposions à l’époque et établissant les préjudices, découlant des lois criminalisant le travail du sexe, sur la santé, la sécurité et les droits de la personne des travailleurs et travailleuses du sexe, » de dire la Dre Shannon, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la santé sexuelle de la population mondiale et le VIH/sida.
Ses efforts de recherche et de défense ont débordé sur le contexte international. En 2014, dans la série de la revue The Lancet sur le travail du sexe et le VIH, elle a cosigné une communication clé, Global epidemiology of HIV among female sex workers: influence of structural determinants (l’épidémiologie mondiale du VIH chez les travailleuses du sexe : influence des déterminants structurels), qui a suscité l’une des principales séances de la Conférence mondiale sur le sida à Melbourne.
Cette série a servi à l’élaboration de recommandations de politiques à l’échelle mondiale, notamment de la part d’Amnesty International, à l’appui d’une décriminalisation totale du travail du sexe en tant que facteur essentiel pour la santé et les droits de la personne des travailleurs du sexe.
Tout comme dans le projet AESHA, le projet de l’initiative GSHI sur la santé sexuelle et le VIH/sida : Évaluation longitudinale des besoins des femmes (SHAWNA) témoigne de la passion de la Dre Shannon pour la recherche communautaire.
Le projet a un conseil consultatif des femmes séropositives composé d’une douzaine de femmes de diverses origines vivant avec le VIH, ainsi que d’une équipe de pairs associés de recherche intervieweurs issus du milieu communautaire, des travailleurs et travailleuses des services d’approche et infirmières en recherche sur la santé sexuelle.
« Le conseil transmet à l’équipe de SHAWNA une rétroaction sur toutes sortes de choses, des priorités et questions d’entrevue au début d’une recherche aux discussions sur ce que nous constatons dans nos résultats et les domaines clés dont nous pourrions nous soucier dorévant, » de dire la Dre Shannon.
Ajoutons que la structure de la recherche rend compte d’un modèle communautaire intégrant les soins et le renforcement des capacités dans le processus de recherche. Depuis son lancement en 2015, l’équipe de SHAWNA a interviewé plus de 300 personnes femmes vivant avec le VIH, y compris des transgenres, entrevues menées en partie par la collectivité et par des intervieweurs pairs associés de recherche.
La vision de la Dre Shannon a fait de l’Initiative GSHI une ressource toute indiquée pour les organisations locales et mondiales.
Cela comprend, par exemple, la Commission mondiale de l’OMS sur le VIH et la loi, ainsi que les consultations récentes avec le ministère de la Justice du Canada concernant les répercussions du projet de loi C-36, loi actuelle criminalisant l’acquisition de services sexuels.
« C’est un effort d’équipe où nous essayons de stimuler un dialogue fondé sur des données probantes afin de veiller à ce que la recherche puisse vraiment aboutir à des changements de politique améliorant la vie des collectivités marginalisées et des personnes vivant avec le VIH ou affectées par le VIH, » de dire la Dr Shannon.
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Chaque année, les prix d’excellence en recherche ACRV-CANFAR sont attribués pour souligner la contribution de chercheurs canadiens dans le domaine de la recherche sur le VIH/sida. La Dre Shannon a obtenu le prix lors du Congrès de l’ACRV 2017 pour son leadership national et international en recherche communautaire sur le VIH et pour avoir véritablement mobilisé les collectivités affectées et veillé à ce que la recherche soit appliquée pour instaurer des changements pour les personnes vivant avec le VIH et affectées par cette maladie.