J’aime être la voix de ceux qui ne peuvent s’exprimer par eux-mêmes et je suis très protectrice sur ce plan. Nous devons mener nos recherches dans le plus grand respect.
Valerie Nicholson de Vancouver (Colombie-Britannique), est la lauréate 2018 du prix Ruban Rouge de l’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV).
Sa candidature a été proposée par la Dre Angela Kaida de la faculté des sciences de la santé de l’Université Simon Fraser. Les deux se sont rencontrées en 2012 au début de l’étude CHIWOS – la plus grande étude canadienne de la recherche communautaire menée auprès des femmes vivant avec le VIH et avec leur concours.
La Dre Kaida écrivait : « Valerie est se distingue parmi nos voix et nos esprits les plus forts à l’appui et à la défense du rôle de la recherche pour la prévention ou le traitement du VIH. Connaître Valerie et travailler avec elle est une vraie bénédiction, qui donne la chance de comprendre le potentiel de la recherche sur le VIH si elle se fait dans une perspective de la sagesse et du force. »
La Dre Kaida n’est pas seule à dire son estime pour Mme Nicholson, les deux en tant que chercheures, aidant à façonner une voix plus unifiée et plus respectueuse pour les chercheurs canadiens du domaine du VIH. Sa candidature a été faite au nom de vastes groupes diversifiés de chercheurs, cliniciens, défenseurs, activistes et combattants de première ligne du domaine du VIH partout au Canada.
« J’ai été étonnée lorsque j’ai appris avoir obtenu ce prix. Je ne savais même pas que ma candidature avait été présentée, » disait-elle humblement. « Je travaille dans le domaine du VIH depuis longtemps, pas autant que certaines personnes mais, pour moi, c’est le tout premier prix que j’aie obtenu dans l’univers du VIH. »
Ayant déjà participé à des recherches, Mme Nicholson a constaté elle-même à quel point elles pouvaient être mal menées. Elles étaient affligées d’un manque de respect de la vie et de l’histoire des personnes visées par la recherche et il y manquait les résultats dans les collectivités autochtones. Valerie était décidée à changer tout cela.
L’expérience de Mme Nicholson vient du fait qu’elle a porté de nombreux chapeaux au cour de ses années de soutien à la collectivité, notamment en tant que pair associé de recherche sur la santé sexuelle et génésique des femmes, ainsi que la criminalisation de la non-divulgation du VIH; coprésidente du conseil d’administration du réseau VIH/sida Red Road; présidente du conseil d’administration et représentante pour la Colombie-Britannique du Réseau canadien autochtone du sida; membre du comité directeur de la Coalition canadienne pour réformer la criminalisation du VIH, ainsi que membre du conseil d’administration de AIDS Vancouver et plusieurs autres.
Le chapeau qui fait le mieux à Mme Nicholson et celui avec lequel elle semble la plus à l’aise est celui de « Momma Bear ».
« À un certain moment de ma vie d’adulte, j’ai été itinérante dans la cinquantaine, et j’étais toxicomane et je ne pouvais sortir du sombre quartier Est du centre-ville (de Vancouver), » disait-elle. « On m’a surnommée « Ma Bear » parce que, même malgré ma toxicomanie et mon itinérance, j’ai toujours eu l’instinct de la mère ourse, car je suis mère et grand-mère. »
Lorsqu’elle a commencé dans le domaine de la recherche, quelques personnes lui ont donné le surnom de « Momma Bear », car elle protégeait farouchement ses mères, sœurs et filles vivant avec le VIH.
« On ne plaisante pas avec une « Momma Bear », car elle sort rapidement les griffes, » plaisantait-elle avant de revenir à un ton de voix calme et humble. « Mais je ne griffe pas très souvent. »
À l’époque où elle était pair associé de recherche (PAR), Mme Nicholson a été consternée par certaines approches de recherche et leur terminologie, qui, souvent, renforçaient les stigmates, accordant peu de respect à la vie et aux histoires des personnes visées par la recherche.
Cela n’offrait que peu de résultats pour sa collectivité et ne jouait que peu pour transformer la vie des femmes vivant avec le VIH au Canada.
« Je suppose que j’ai imprimé aux chercheurs cette optique, à savoir que nous ne sommes pas simplement des données statistiques sur une diapositive, ou des chiffres sur une feuille, » rappelle Mme Nicholson. « Il s’agit en fait de moi. »
Dans l’un des premiers projets de recherche où Mme Nicholson a collaboré, on demandait aux participants à quelle fréquence ils faisaient usage abusif des drogues. Elle a demandé « pourquoi mettez-vous une étiquette? Pourquoi faites-vous des suppositions? »
« Dans mes discours, je dis que je n’ai jamais abusé une seule fois des drogues dans ma vie. Je les ai utilisées au meilleur de ma capacité. Alors, pourquoi m’affligez-vous cette attitude de stigmate et de discrimination? »
Les auteurs de l’étude ont changé ce terme « et graduellement, tous ont commencé à parler, d’« utilisation » au lieu d’« abus ».
La Dre Kaida mentionne que Mme Nicholson rappelle à ceux qui se lancent en recherche sur le VIH de le faire avec leur esprit, mais également avec leur cœur et leur âme.
« Entendre Valerie parler, c’est s’éveiller à la puissance des possibilités de votre travail, aux grands enjeux et aux vastes répercussions et à la force que l’amour apporte pour améliorer la santé et changer des vies, » de dire la Dre Kaida.
À l’occasion de la Journée mondiale du sida 2017, Mme Nicholson s’est sentie honorée d’être invitée à prononcer un discours sur la Colline du Parlement. Le dialogue national était orienté sur « mette fin au sida », mais Mme Nicholson a apporté un message différent.
Elle a entretenu les parlementaires des répercussions dévastatrices actuelles du VIH sur les collectivités et les femmes autochtones.
« Nous mourons encore! Nous nous retrouvons encore en prison! Subir l’épreuve du VIH autrement constitue un privilège, » disait Mme Nicholson.
Récemment, quelqu’un lui a demandé : si la possibilité lui était offerte de remonter le temps, avec toutes ses connaissances du VIH, voudrait-elle changer son diagnostic?
« Le sentiment le plus étonnant de calme absolu m’a imprégné le corps et l’esprit et la réponse est « je demeurerais séropositive au VIH »!
À Vancouver, le message que le « VIH est une maladie gérable » était largement utilisé et Mme Nicholson s’est posée la question « est-ce vraiment le cas? »
« Est-ce gérable, si vous êtes itinérant? Est-ce gérable si vous êtes toxicomane? Est-ce gérable si vous vivez avec les stigmates et la discrimination chaque jour? Est-ce gérable si vos aliments ne sont pas salubres? Est-ce gérable si vous vivez dans l’isolement? Est-ce gérable que de vivre sur la réserve? Est-ce gérable que de vivre isolé dans une grande ville et non pas simplement en milieu rural? »
Par la suite, le directeur exécutif d’ONUSIDA, le Dr Michel Sidibé, a communiqué avec elle pour la remercier de lui avoir ouvert les yeux sur les réalités de la vie avec le VIH dans nombre de collectivités partout au Canada.
« (Il) a essayé de me prendre mon discours, j’aurais bien voulu, mais j’en avais besoin pour un autre exposé, », de dire Mme Nicholson en riant. « Il l’a photographié parce que cela lui parlait vraiment et je crois qu’il en a été ainsi de beaucoup de personnes et j’ai obtenu beaucoup de rétroactions excellentes de ce discours. J’ai senti que j’avais vraiment besoin de me tenir debout pour ce qui est réel. »
C’est sur cet aspect « de réalité » qu’ont fini par compter nombre de chercheurs et cliniciens, particulièrement l’évaluation, par Mme Nicholson, de la valeur fondamentale de notre recherche pour les collectivités de l’ensemble du Canada.
« Je suis encore dans la collectivité » disait Mme Nicholson. « J’ai une responsabilité si quelqu’un vient me voir et me dit : « Hé, vous m’avez fait répondre à un sondage. Qu’est-ce qu’il est arrivée de ma voix? Qu’est-il arrivé de mes paroles? En est-il ressorti quelque chose? »
Mme Nicholson a amorcé des débats sur ce sujet, mentionnant que les projets de recherche doivent déboucher sur de prochaines étapes, notamment ramener les résultats et les mettre à la disposition de la collectivité.
Les initiatives de défense de Mme Nicholson ont également directement influencé l’élaboration de protocoles de soutien pour les participants, notamment l’accès à des conseillers et autres ressources après les visites d’étude.
À ses dires, elle voyait d’habitude un fossé entre les chercheurs et la collectivité, mais maintenant, elle constate qu’ils se réunissent en un cercle « où tous sont sur le même pied d’égalité et où personne n’est au second rang, ni au premier. »
Mme Nicholson prend aussi plaisir à transmettre des éléments d’éducation culturelle aux autres dans la collectivité de la recherche.
« Si quelqu’un veut des renseignements et ne sait pas à qui s’adresser, je me sens honorée s’il se sent à l’aise et sait qu’il peut s’adresser à moi pour ces enseignements…, même si cela revient à demander à un autre ancien, C’est ce que nous faisons. »
Valerie Nicholson est, dans notre collectivité de la recherche, l’une des personnes les plus innovatrices, les plus sages, les plus compétentes et les plus empathiques et l’ACRV se sent honorée de lui présenter le prix Ruban Rouge 2018.