Le travail du Dr Darrell sert de modèle sur la façon dont la recherche sur la mise en œuvre et la prestation des services peuvent s’allier pour modifier la politique fédérale et avoir des répercussions concrètes afin de mettre fin à l’épidémie de VIH.
Le Prix d’excellence en recherche ACRV-CANFAR 2018 en sciences cliniques vise à souligner les travaux du Dr Darrell Tan. Il dirige la recherche sur le VIH à l’Hôpital St. Michael de Toronto, où il est chercheur clinicien et professeur agrégé de médecine.
Les pairs du Dr Tan disent qu’il est l’un des chercheurs les plus dynamiques et les plus engagés du pays, un scientifique « qui fait vraiment une profonde différence dans l’épidémie de VIH au Canada ». Ils ajoutent qu’il est en voie d’être un chef de file reconnu internationalement dans ce domaine.
Les premières recherches du Dr Tan portaient sur le rôle de l’herpès simplex 2 et les stratégies cliniques pour réduire la progression du VIH – coinfection très courante chez les personnes vivant avec le VIH.
Il y a quelques années, le Dr Tan « a eu la chance » de collaborer avec le Dr David Knox, qui rédigeait une description du premier cas connu et signalé de personne ayant contracté le VIH malgré un respect contant de la prophylaxie préexposition (PrEP). Le fait a été rapporté dans le New England Journal of Medicine, d’après le cas d’un patient dont s’occupait le Dr Knox à Toronto.
« Cela a eu un effet énorme sur la collectivité du VIH, » de dire le Dr Rupert Kaul, directeur de la division des maladies infectieuses de l’Université de Toronto.
« Notre devoir est d’essayer de découvrir les faits. Essayer de mettre au jour et d’en apprendre davantage sur « ce qui est vrai » et qui, parfois, n’est pas ce que nous voulons entendre, » de dire le Dr Tan. « À moins d’aller de l’avant, les yeux grands ouverts à tous les défis que nous devons relever, nous ne pourrons réussir dans une entreprise aussi complexe comme celle d’essayer de stopper les nouvelles infections. »
Les connaissances acquises par le Dr Tan lui ont permis de piloter le comité qui a créé les premières lignes directrices canadiennes sur la PrEP et la prophylaxie post-exposition (PEP) non professionnelle, publiées récemment dans le Journal de l’Association médicale canadienne (JAMC).
Grâce à son travail, le Dr Tan a obtenu une importante subvention des IRSC sur le renforcement de la PrEP pour la prévention du VIH : stratégies optimisées pour cibler et offrir la PrEP aux HARSAH en Colombie-Britannique et en Ontario.
Ce projet coopératif fonctionne à l’aide des milieux médicaux et des collectivités à risque de l’ensemble du Canada et permettra de veiller à ce que les avantages de cet outil clinique soient maximisés chez les hommes gais, bisexuels et autres.
Les outils qu’il nous faut pour stopper les nouvelles infections sont déjà à notre disposition. Nous les avons, nous savons qu’ils étaient là depuis quelques années et qu’il y a eu un manque d’engagement, il y a eu un manque de volonté à véritablement intégrer largement ces outils dans la pratique.
Le Dr Tan dit que l’un des plus grands défis est de parvenir à « un changement valable et à grande échelle » qui pourra obtenir l’adhésion des personnes qui détiennent les cordons de la bourse, c’est-à-dire les responsables de l’élaboration des politiques et les gouvernements.
« La question est d’essayer de convaincre les dirigeants que l’épidémie de VIH n’est pas terminée, loin de là. Elle n’est pas réglée. Et pour les convaincre, nous devons, à ce moment privilégié, leur présenter quelque chose comme un fruit à la portée de main, pour ainsi dire, » de dire le Dr Tan.
« Notre mission est de dresser une analyse de rentabilité établissant que ce que nous faisons et ce que nous essayons de réussir est logique, a du bon sens – non seulement du point de vue clinique, mais aussi d’un point de vue social et public général. »
Une bonne partie du travail que font le Dr Tan et d’autres chercheurs dans le domaine du VIH touche la santé publique et vise à ramener à zéro le nombre d’infections nouvelles. Il dit qu’il est possible d’y parvenir avec les outils dont nous disposons actuellement.
« Ainsi, il s’agit vraiment d’essayer de prouver aux gens l’urgence de ce que nous faisons et la possibilité de parvenir à des résultats vraiment étonnants, » de dire le Dr Tan.
La Dre Marina Klein, directrice de la recherche au service des maladies virales chroniques du Centre de santé de l’Université McGill et coordonnatrice nationale du réseau canadien des essais des ISRC- sur le VIH. Elle dit qu’elle voyait clairement dès le départ que le Dr Tan était un chercheur clinique très prometteur.
« J’ai suivi Darrell, tandis qu’il développait ses intérêts en recherche indépendante sur les maladies sexuellement transmissibles chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, et de là, c’est devenu un impressionnant programme de recherche axé sur la prophylaxie préexposition (PreP), » de dire la Dre Klein. « C’est un domaine de recherche extrêmement important au Canada et partout dans le monde. »
Elle ajoute que le Dr Tan devient rapidement un chef de file national du domaine et dirige une vaste subvention d’équipe des IRSC pour évaluer le renforcement de la PrEP pour la prévention du VIH en Colombie-Britannique et en Ontario.
Au-delà de ses compétences de chercheur clinicien, de dire la Dre Klein, le Dr Tan saisit l’importance de la collaboration locale et nationale pour éclairer la recherche et étendre ses répercussions. Cela suppose également de la transposer dans la collectivité élargie, qu’elle soit universitaire ou non.
J’espère que nous pouvons et pourrons en arriver, d’ici un à cinq ans, à un point où tous les gens qui se trouvent à risque d’acquérir l’infection au VIH disposent de tous les renseignements dont ils ont besoin sur tous les outils et moyens de prévention dont nous disposons et surtout, notamment, la PrEP et la prévention de l’abus des substances, car c’est là le nouveau problème qui est au coin de la rue.
Le Dr Tan estime qu’avoir accès à des outils de prévention – librement – est ce qui est le plus important. Cela signifie veiller à ce que les médicaments soient disponibles, universellement, et financés à l’aide des fonds publics.
« Nous nous rapprochons de cela dans nombre d’administrations canadiennes, mais ce n’est décidément pas encore universellement disponible comme cela devrait être si nous voulons atteindre un taux nul de nouvelles infections. »
Selon lui, travailler avec les fournisseurs de soins de première ligne et les collectivités à risque afin d’aider à réduire les stigmates entourant certains comportements sexuels, les drogues à des fins récréatives et la question du VIH en général, aidera le Canada à parvenir à ce but.
« En en parlant davantage, en en faisant plus la promotion, en insistant sur la science et la base de preuves qui soutient l’importance de ces interventions, nous pouvons normaliser le recours à la PrEP », de dire le Dr Tan.
« Nous voulons retourner la situation, de sorte qu’il n’y ait pas d’exception, ce n’est pas une rareté, ni une chose bizarre, mais c’est actuellement perçu par les gens comme une chose responsable et positive de parler des résultats scientifiques dont ils disposent et de les appliquer à leur vie et d’empêcher que surviennent des problèmes de santé importants et évitables, par exemple les infections à VIH. »
Pour y parvenir, le Dr Tan travaille déjà avec les ressources canadiennes de l’avenir en matière de recherche sur le VIH. Il est mentor de quatre étudiants d’été, 18 boursiers universitaires et quatre étudiants de maîtrise, ainsi que deux étudiants au doctorat et six qui travaillent à leurs bourses postdoctorales dans des projets liés au VIH.
La collectivité canadienne de la recherche sur le VIH est modeste et, selon le Dr Tan, être distingué par ce prix de la recherche par des personnes qui, selon lui, sont des pairs ou « en avance sur lui » de bien des façons le touche vraiment.
« Je sais qu’il y a beaucoup de chercheurs cliniciens qui travaillent dur et qui sont très méritants dans cet espace », dit-il. « J’espère répondre aux attentes et continuer à progresser, ce que commande le fait de recevoir un prix comme celui-ci. »
Dans l’intervalle, le Dr Kaul a de grandes attentes – et aucune réserve – concernant les répercussions éventuelles des conclusions des recherches du Dr Tan sur le VIH.
« Le travail du Dr Darrell Tan sert de modèle sur la façon dont la recherche sur la mise en œuvre et la prestation des services peuvent s’allier pour modifier la politique fédérale et avoir des répercussions concrètes pour mettre fin à l’épidémie de VIH. »