Le microbiologiste Lyle McKinnon aide à dissiper le mystère des raisons pour lesquelles certaines personnes exposées au VIH ne contractent pas l’infection, soit une clé pour la prévention future du VIH.
En 2002, frais sorti de ses études de premier cycle en sciences et rêvant de ce qu’il allait faire ensuite, Lyle McKinnon a tout simplement posé la question par courriel au célèbre virologue de l’Université du Manitoba, le Dr Francis Plummer.
Ce courriel a changé la carrière de McKinnon. Le Dr Plummer essayait de comprendre pourquoi certains travailleurs du sexe du Kenya exposés à répétition au VIH ne contractaient pas l’infection.
« À l’époque où j’ai commencé mon PhD, les gens ne savaient pas quel type de réponse immunitaire était susceptible de protéger une personne et l’empêcher de contracter l’infection et on estimait que c’était un aspect important en matière de prévention, » de dire McKinnon, Prix d’excellence en recherche CAHR-CANFAR 2017 en sciences fondamentales et chercheur à l’Université du Manitoba.
Pendant 15 ans, il a mené des recherches et a enseigné de plus en plus au Canada, au Kenya et en Afrique du Sud, aidant à établir les prémices permettant de découvrir de quelle façon les défenses immunitaires de l’organisme, particulièrement les cellules immunitaires des muqueuses du vagin et du rectum, peuvent soit bloquer soit faciliter l’infection au VIH et comment il serait possible de mieux les utiliser pour prévenir l’infection.
Au cours de cette période, McKinnon a piloté, avec des hauts et des bas, les efforts visant l’élaboration d’un vaccin contre le VIH.
Sa recherche doctorale portait sur l’espoir qu’une cellule immunitaire, les cellules T CD8 pouvaient être transformées en vaccin induisant l’immunité au VIH. Toutefois, un essai clinique majeur, l’essai STEP, a permis de constater que ce type de vaccin entraînerait en fait une augmentation des taux d’infection dans certains groupes.
« Cet essai a été une grande déception, » de dire McKinnon, la thèse dégageait en partie de quelle façon le virus du VIH échappe aux réactions immunitaires des cellules T. « Par contre, cela m’a permis de commencer à travailler à Nairobi, au Kenya. » De 2009 à 2013, il a fait la navette entre Nairobi et l’Université de Toronto pour mener des recherches postdoctorales.
Pour ce natif de Gimli, au Manitoba, travailler à Nairobi a permis d’établir ses recherches immunologiques — souvent axées sur la recherche in-vitro — dans une approche d’histoire naturelle, « ce qui se produit dans le vrai monde, » de dire McKinnon.
Depuis une décennie, à ce titre, il a travaillé à comprendre l’immunologie des muqueuses sous l’éclairage de la façon dont les gens contractent l’infection au VIH, particulièrement les travailleurs et travailleuses du sexe au Kenya et les femmes en Afrique du Sud.
« Être fréquemment exposé au VIH n’entraîne pas de transmission, probablement parce que les défenses des muqueuses sont souvent très bonnes, » de dire McKinnon, conférencier honoraire à l’Université de Nairobi.
Ses recherches révèlent que, si la barrière des muqueuses échoue, c’est en partie parce que certaines cellules T immunitaires de première ligne sont plus vulnérables que d’autres au VIH – éclairage potentiellement essentiel pour trouver des moyens de prévenir l’infection au VIH.
McKinnon a dégagé un sous-ensemble de cellules immunitaires des muqueuses qui expriment l’intégrine de l’enveloppe cellulaire cellulaire alpha‑4 beta‑7, fortement susceptible à l’infection au VIH. Ces cellules immunitaires voyagent également dans l’intestin, site clé de réplication du VIH.
« Il est intéressant de savoir qu’il s’agit d’un site très important que le VIH doit atteindre et le virus semble également être capable d’utiliser une molécule pour cibler les cellules qui le transporteront sur ce site, » de dire McKinnon. La recherche a été menée avec des superviseurs postdoctoraux, Rupert Kaul à l’Université de Toronto et Joshua Kimani au projet de lutte contre le sida du Kenya à l’Université de Nairobi.
En raison de son expérience au Kenya, M. McKinnon a été recruté par le centre du programme de recherche sur le sida (CAPRISA) en Afrique du Sud afin d’analyser de façon rétrospective un échantillon conservé en banque biologique provenant d’un essai clinique dans lequel un sous-ensemble de femmes ont contracté le VIH.
« Nous avons constaté que les femmes ayant davantage d’alpha‑4 beta‑7 sont plus susceptibles de contracter l’infection et, également, que la progression de la maladie y est plus rapide, » de dire McKinnon.
Récemment, dans une étude multi-auteurs publiée dans le journal Science, M. McKinnon et les co-auteurs ont mentionné avoir infecté des singes avec le VIS tout en administrant simultanément des antirétroviraux et un médicament bloquant l’alpha-4 beta‑7. Le résultat a été que moins de singes que prévu ont développé une infection au VIS.
« Il semble que le blocage d’alpha-4 beta‑7 est cliniquement avantageux pour eux, » de dire McKinnon.
Cette constatation est un point très encourageant dans le parcours de McKinnon, commencé par un simple courriel.
Il existe déjà sur le marché un anticorps alpha-4 beta‑7 approuvé par la FDA et Santé Canada pour traiter la maladie intestinale inflammatoire.
« Il pourrait être utilisé à des fins non prévues chez une personne affectée par le VIH, » de dire McKinnon, rappelant qu’un essai clinique chez l’être humain est déjà en cours, essayant de répliquer chez l’homme les résultats obtenus chez les singes et, de plus, d’autres essais sont prévus.
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Chaque année, les prix d’excellence en recherche ACRV – CANFAR sont attribués pour souligner la contribution de chercheurs canadiens dans le domaine de la recherche sur le VIH/sida. M. McKinnon a obtenu le prix lors du Congrès de l’ACRV 2017, ayant utilisé « des techniques immunologiques de pointe en sciences fondamentales afin d’identifier les cellules clés que le VIH infecte (et a placé) ses connaissances dans le contexte de facteurs comportementaux et épidémiologiques. »