En 2001, en tant que président de l’ACRV, Ken Rosenthal a mis sur pied la conférence Mark-Wainberg pour honorer le chef de file et vétéran de la lutte contre le VIH/sida, « la voix qui s’est élevée publiquement contre le sida depuis les premiers jours ».
Une décennie est passée et Ken Rosenthal, fondateur de la conférence, devient à son tour conférencier
– plus spécifiquement, présentateur de la conférence Mark-Wainberg 2012, à l’occasion du Congrès annuel de l’ACRV.
Le Dr Rosenthal a été, avec Mark Wainberg, l’un des premiers chercheurs canadiens à se pencher sur le VIH/sida. Ils ont tous deux travaillé à isoler le virus responsable du sida bien avant que quiconque ne sache quoique ce soit au sujet du VIH.
Aujourd’hui attaché au centre de recherche en immunologie de l’Université McMaster et à l’Institut Michael G. DeGroote pour la recherche en infectiologie, le Dr Rosenthal fait partie d’une équipe de chercheurs dirigé par Frank Plummer de l’Université du Manitoba, qui étudie depuis plus de dix ans un groupe de travailleuses du sexe kényanes apparemment résistantes au VIH.
Le domaine particulier d’intérêt du Dr Rosenthal, et le thème de sa conférence, était l’immunité muqueuse innée, et son rôle dans la pathogenèse du VIH et la résistance à son endroit. La plupart des agents pathogènes entrent dans notre organisme non pas par la circulation sanguine, mais par les muqueuses qui tapissent notre bouche, nos intestins et, dans le cas des infections transmissibles sexuellement comme le VIH, par nos voies génitales. Le Dr Rosenthal croit que notre système immunitaire inné, un système de défense immunitaire primitif présent chez tous les êtres vivants, joue un rôle en nous aidant à résister aux agents pathogènes.
« Il s’agit de notre première ligne de défense », affirme le Dr Rosenthal. « Elle nous permet de gagner du temps pendant qu’elle agit sur la réponse immunitaire adaptative. Le système immunitaire inné forge et influence la nature de la réponse immunitaire adaptative. »
Et quel est le rapport avec les travailleuses du sexe résistantes du VIH? Et bien, pour commencer, le VIH est une infection virale transmise sexuellement par voie muqueuse qui cible les cellules immunitaires dans la muqueuse pour les infecter et les détruire rapidement. La résistance à la plupart des infections est généralement fournie par notre système immunitaire inné. Les études sur les travailleuses du sexe résistantes au VIH fournissent une occasion unique de comprendre le(s) mécanisme(s) de la résistance et le groupe du Dr Rosenthal s’est attardé au rôle de l’immunité muqueuse innée. Leur étude a démontré que contrairement aux travailleuses du sexe séropositives, dont le système immunitaire inné était activé, les travailleuses du sexe résistantes au VIH présentaient des taux très faibles de récepteurs innés au niveau des cellules de leurs voies génitales. C’est ce réglage à la baisse du système immunitaire muqueux qui rend certaines femmes résistantes au VIH. Il pourrait s’agir d’une composante génétique ou il pourrait s’agir du résultat d’une exposition persistante au VIH, puisque selon des preuves anecdotiques, les femmes qui font une pause et reviennent à la pratique de leur métier contractent souvent l’infection. Il peut aussi s’agir d’une combinaison des deux facteurs, mais en perçant ce secret, nous pourrions trouver des façons de développer la résistance chez d’autres personnes.
Le Dr Rosenthal a récemment reçu une importante bourse de l’Initiative canadienne de vaccin contre le VIH pour que son équipe étudie la résistance d’un autre groupe précis : les nouveau-nés de mères séropositives. Avec son équipe, il souhaite découvrir pourquoi les nourrissons exclusivement nourris au sein sont moins susceptibles de contracter le VIH que les nourrissons dont les mères utilisent une alimentation mixte comportant d’autres liquides ou aliments. Selon une hypothèse, dans les pays en voie de développement où l’on n’a pas accès à de l’eau potable, l’eau contaminée qu’utilisent les femmes peut provoquer une inflammation intestinale chez leurs bébés et faciliter le passage du VIH du lait vers la circulation sanguine. Selon une autre hypothèse, une exposition constante à des facteurs innés présents dans le lait maternel pourrait conférer une protection contre les agents infectieux pendant le développement du système immunitaire du bébé.
« Le lait maternel est une mine d’or qui recèle de facteurs immunitaires innés entièrement naturels », affirme le Dr Rosenthal. « Si nous pouvons isoler et cloner les gènes qui sous-tendent ces facteurs, il serait possible de les ajouter au lait maternel pour prévenir l’infection au VIH. »